Bonjour à
tous! Aujourd’hui, je vous amène dans le merveilleux monde ailé des insectes,
plus spécifiquement dans le monde des micro-papillons. Vous vous souvenez sans
doute que je suis également passionnée des papillons nocturnes. Lorsque j’ai
demeuré à Saint-Fulgence, j’ai effectué cinq années de recensement de papillons
nocturnes. Durant ces années d’inventaires, j’ai observé près de 700 espèces de
papillons dans ma cour-arrière seulement! Ces inventaires inclus les
macro-papillons et les micro-papillons.
Lorsque
j’ai déménagé à Canton-Tremblay (ville Saguenay) en juin dernier, ma curiosité
scientifique s’est émoussée. Il n’y a rien de plus excitant pour moi que
d’inventorier des papillons, et des oiseaux aussi, dans un nouvel habitat. Il
s’agissait en quelque sorte d’une page blanche d’un nouveau livre qui s’ouvrait devant moi.
Le 27 juin
2017, je suis sortie dehors pour aller photographier les insectes dans les
fleurs de parterre entourant ma nouvelle demeure. J’avais très hâte de faire un safari photo qui me procure une belle détente tout en admirant les insectes qui
se trouvent dans les belles fleurs. Soudain, dans une fleur d’Aegopodium
podagraria, nommé communément l’Herbe-aux-goutteux dont plusieurs jardiniers
ont horreur parce qu’envahissante, je détecte un très petit papillon qui m’est
inconnu. Intriguée, je le prends en photo et poursuis tout
bonnement mon safari autour de la maison.
En soirée,
j’envoie une photo de ce micro-papillon à mon mentor (je dois garder son nom
privé). Puis silence radio de sa part pour une journée ou deux, ce qui est inhabituel. Tout à coup, je reçois un courriel de cette personne qui est tout
énervé me demandant de récolter ce micro-papillon au plus vite si je le revoyais. La raison
est fort simple... Ce micro-papillon n’a pas été vu depuis 1930!! Le nom du micro-papillon
est Anthophila plenicarinata Heppner. Il n’y a pas de nom français, seulement
en latin. Désolée pour le grand nom. À la blague je dis que plus les
micro-papillons sont petits, plus les noms sont longs!
Voici un très gros plan de l'Anthophila plenicarinata (C. Cormier) |
De la part
d’experts en la matière, on m’a informé qu’entre 1904 et 1930, moins d’une
centaine de ces micros a été récoltée provenant des régions suivantes :
Ottawa, Toronto, Hull, Aylmer, Montréal et Bradore Bay. Puis plus rien après
1930, jusqu’à cette découverte incroyable en 2017, chez moi à Canton-Tremblay.
C’était la première photo prise d’un individu vivant. Bien entendu, la
communauté scientifique entomologique fut secouée, tout comme moi.
Suite à
cette découverte, mon mentor m’a supplié de surveiller les fleurs dans ma cour
et de récolter des spécimens de ce micro si j’en voyais d’autres, ce que j’ai
fait. Les jours suivants, j’ai observé d’autres individus que j’ai prélevés
pour fins d’identification officielles. Au cours de l’été, j’ai envoyé ces
spécimens aux Musées Nationaux à Ottawa où ceux-ci ont été formellement
identifiés par l’expert-chef en entomologie. L’identification fut positive! Il s’agissait
bien d’Anthophila plenicarinata Heppner!
Nous voyons deux individus qui s'alimentent sur cette Herbe-aux-goutteux (C. Cormier) |
Tout le
monde retenait son souffle en attendant le verdict final provenant de l'expert en question. Après cette
identification officielle, je fus estomaquée de cette découverte! Pour tout
dire, tout le monde était excité. Mon cher mentor m’a sommé de prendre beaucoup
de photos, de prélever encore des spécimens et de noter le nombre d’individus
et les dates correspondantes. Voilà ce qui a été mon projet d’été.
Pour vous résumer le tout, la
première génération de ce micro s’est étendue du 27 juin au 4 juillet. Il y
avait sans doute des individus présents sur place avant que je n’atterrisse à
Canton-Tremblay. Vient ensuite la deuxième génération qui s’est échelonnée du 8
août au 16 septembre. Les individus de la deuxième génération ont adopté les
fleurs de Tanaisie commune (Tanacetum vulgare), une plante d’automne très
commune à fleurs jaune moutarde.
Un Anthophila plenicarinata sirotant du nectar dans les fleurs d'une Tanaisie (C. Cormier) |
Voici un agrandissement du micro-papillon diurne (C. Cormier) |
Plus tard
au cours de l’été, certains spécimens récoltés ont pris le chemin vers BOLD. Il
s’agit d’un centre où tous les papillons (et les autres insectes?) subissent
une analyse d’ADN. Ils possèdent maintenant un code-barres génétique. Le
centre a un million de code-barres en banque. Vue la rareté de mon micro, BOLD
n’avait pas le code-barres d’Anthophila plenicarinata. Il en fait désormais
parti.
Je me suis
posée la question à savoir pourquoi ce micro-papillon n’avait pas été détecté
auparavant. Les deux experts en papillons m’ont dit que presque personne ne
s’intéresse à l’étude des papillons au Canada. Il semble qu’il y aurait moins
de dix personnes qui se passionnent de papillons dans le pays. Ensuite, les
adeptes récoltent principalement les macro-papillons nocturnes et moins les
micro-papillons nocturnes. Ce dernier groupe est très difficile à identifier
puisqu’il faut souvent les disséquer pour les différencier entre espèces qui se
ressemblent. Cependant, ce micro-papillon qui nous concerne ici est diurne, une exception donc, et
non nocturne comme la plupart de ses congénères. Il a donc passé sous le radar
toutes ces années à cause de ces raisons.
Pour les
personnes désireuses de trouver des Anthophila plenicarinata, vous devez savoir
que la plante hôte des chenilles est l’Ortie (Urtica dioica). Les papillons adultes pondent leurs
œufs sur l’Ortie où les larves bouffent les feuilles de cette plante urticante.
Lorsque les cocons éclosent, les adultes, qui peuvent voler et se déplacer, s’alimentent ensuite sur des fleurs possédant une
bonne densité de nectar tout près de leur plante hôte. Si vous avez chez vous
les plantes que j’ai mentionné (Herbe-aux-goutteux et Tanaisie commune), les
chances sont que vous n’observerez pas d’Anthophila s’il n’y a pas d’Orties
dans le secteur. Cela est nécessaire puisque les larves ne
consomment que des feuilles d’Orties, rien d’autre. La règle est simple : pas d'Orties, pas d'Anthophila.
Suite à ma
migration vers Canton-Tremblay en début de période estivale, j’avais installé
mon drap afin de les recenser les papillons (je les photographie, je ne les récolte pas).
J’ai effectué environ cinq sorties dans ma cour. Comme il y a beaucoup plus de
pollution lumineuse là où je demeure présentement, disons que mon drap était
moins dodu en papillons qu’à Saint-Fulgence où c'était la nuit noire. Ici à Canton-Tremblay, il a plusieurs lampadaires et
maisons dans le secteur qui émanent de la lumière artificielle ce qui dilue le
nombre de papillons chez moi. Je n’ai pas poursuivi le recensement de papillons
par la suite. Peut-être une autre année car j’en avais plein les bras à défaire
mes boîtes et à faire un très grand nettoyage de la résidence. Mais quand même,
le recensement des Anthophila a fait mon été! Ce fut mon cadeau de bienvenue!
Voilà donc
ce que je souhaitais vous partager aujourd’hui. Je peux vous affirmer que monde
ailé entomologique est aussi fascinant que le monde des oiseaux! Les
papillons sont extrêmement beaux. D’ailleurs, les plus belles couleurs dorées,
argentées et cuivrées que j’ai vus dans ma vie étaient sur des micro-papillons!
L’émerveillement vous est assuré si vous faites une incursion dans ce monde
fascinant!
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