Une heure plus tard, nous voilà rendus à Saint-Bruno. Notre
premier arrêt s'effectue à la coopérative agricole. Cet endroit peut abriter
des Plectrophanes lapons à cette période de l'année. En même temps, les silos
des fermes qui se voient au loin font d'excellents postes de guet pour les
harfangs, que nous vérifions à partir de ce site. Mais très rapidement, ce sont
les Moineaux domestiques qui attirent notre attention. Avec le redoux
d'aujourd'hui, les mâles chantent gaiement, ce qui plaît à nos oreilles. Les
oiseaux sont posés sur toutes sortes de structures anthropiques avoisinants le
silo de la coopérative. Le plus discrètement possible, nous stationnons la
voiture près d'eux. Nous demeurons dans le véhicule afin que je puisse profiter
de l'occasion pour faire quelques séquences vidéos. Par la suite, nous nous
sommes mis à parler de cette espèce qui, malheureusement, se voit de moins en
moins dans la région. Le même phénomène se vit au Québec, l'espèce étant fortement
en déclin. Il y a des localités où l'espèce a complètement disparu, comme c'est
le cas à Saint-Fulgence. C'est tellement dommage! Ça nous rend bien triste
lorsqu'on y songe. Et comme cette espèce est plus ou moins aimés par les gens
en général, voir indifférent à son égard, leurs chances de survie dans le temps
ne tient à pas grand chose. Dans le fond, qui se préoccupe des vulgaires
moineaux? En filmant ces oiseaux, je me suis dit qu'un jour, ces clips seront
peut-être historiques. Et si cette espèce allait éventuellement disparaître de
la carte de la région dans 50 ans?
Moineau domestique, un beau mâle
Moineau domestique, une jolie femelle
Soudain, nous repérons six Vachers à tête brune immatures
parmi les moineaux! Nous sommes toujours content d'observer des vachers. Dans
le même sens, cette espèce est en forte régression, dans notre région du moins.
Il y a vingt ans, il était régulier de voir des groupes de vachers se déplaçant
par centaines à la fois, comme des étourneaux. Aujourd'hui, il faut les
chercher et lorsqu'on en voit, c'est souvent dix individus et moins en même
temps. Encore une fois, les vachers n'ont pas la cote d'amour auprès de la
population. Personne ne s'en soucie vraiment. Cette espèce est devenue rare au
Saguenay–Lac-Saint-Jean. Fait inusité, il est plus facile de trouver un
Pygargue à tête blanche que d'observer un Vacher à tête brune en 2013! Avec
émerveillement, je prends également un clip d'un vacher, celui qui est le plus
près de moi. Aujourd'hui, je suis un témoin visuel que ces deux espèces
mal-aimées existent encore, mais en petit nombre.
Vacher à tête brune immature avec un moineau
Groupe d'Étourneaux sansonnets
Les étourneaux qui s'alimentent |
Une brochette d'étourneaux |
Patrouillant le reste de la route 170 à Saint-Bruno, nous
effectuons des arrêts successifs afin de scruter aux jumelles chaque poteau et chaque
piquet de clôtures dans le but de trouver un harfang. À notre grande surprise,
les champs sont vides d'oiseaux à part quelques Grands Corbeaux (que j'adore
aussi). Mais, voyons donc... Même pas
une Buse pattue? Mais où sont ces buses, ma foi? Pfff! Le désert... Nos pensées
se bousculent un peu. Peut-être aurions-nous dû rester au Saguenay pour
observer aujourd'hui? Bon. Puisque nous sommes là, essayons d'être plus
positifs et productifs.
Les champs ici n'ont rien donné. Nous devons décider de
notre prochaine destination : Hébertville, Saint-Gédéon ou Métabetchouan? À
l'intersection où il y a des feux de circulation, Germain demande mon avis : « Veux-tu prendre cette route ou bien prendre
un rang vers Hébertville? » Indécise et en haussant les épaules, je pointe
du doigt la route qui mène à Saint-Gédéon, mais sans grandes convictions. Nous
poursuivons alors notre chemin sur la
route 170. Nous nous arrêtons à nouveau près des champs labourés pour chercher le
hibou blanc qui brille par son absence. Encore rien. Soudain, Germain me
suggère de prendre un certain rang, puisque l'année dernière, il y avait eu des
Alouettes hausse-col et des Plectrophanes lapons. Nous effectuons donc un
virage serré et nous empruntons le rang 3 qui est toujours dans les limites de
Saint-Bruno.
Un arrêt par ici, un arrêt par là... Rien. Les champs sont toujours
vides. Il n'y a que le vent qui sifflent dans nos oreilles. Un peu déçus, nous
effectuons l'un des derniers arrêts dans ce secteur avant d'aller dîner à notre
camp de base. Il s'agit d'un restaurant à Saint-Gédéon que nous fréquentons
depuis 25 ans, minimum! Sans farce! Restant dans la voiture à cause du vent qui
me gèle, j'effectue un « scan » aux jumelles au-dessus des labours. Hmmm? C'est
quoi ça? Un pigeon bariolé? Je demande à Germain de vérifier avec moi cet
oiseau immobile dans le creux d'un labour. Au préalable, il pensait que c'était
un déchet, puisqu'il y a plusieurs papiers polluant le champ. Soupir. Puis, il
y a un moment de silence... Ensuite, Germain rétorque d'une voix allumée : « Hé! Est-ce que ça pourrait être une Mouette
de Franklin? » Nous regardons à nouveau l'oiseau niché discrètement dans le sillon. Sapristi!
C'est bel et bien une Mouette de Franklin! Réveillés de notre torpeur, nous ne savons plus quoi
utiliser dans les optiques : les jumelles
encore? Le télescope? Les caméras? Ce sera la preuve d'abord! Nous prenons des
photos et des clips. Puisque la mouette est coopérative, nous admirerons son
plumage plus tard. Mais nous savons déjà que c'est une immature de premier
hiver. Eh bien, dîtes donc! Finalement, ce sont les antennes de Germain qui
étaient redressées tout à l'heure et les miennes étaient encore molles!
La Mouette de Franklin immature (photo de Germain Savard) |
Dans l'heure qui suit, nous observons la mouette sous toutes
ses coutures. Bien souvent, elle demeure immobile dans les labours et ne fait
rien de particulier. Par contre, par moments, l'oiseau s'envole sur quelques
pieds et pique au sol sans crier gare pour gober quelque chose gisant sur la
terre humide. Les chances sont que ce soit des vers de terre. Pendant qu'elle
effectue des pirouettes aériennes, nous remarquons que la mouette laisse pendre
ses pattes lors de son envol. Au début, nous croyions qu'elle était blessée,
mais lorsqu'elle se pose sur les labours, elle se tient bien droite sur ses
pattes. Nous sommes venus à la conclusion que l'argile mouillée des labours lui
collait aux pattes et que durant son vol, c'était trop lourd pour qu'elle les ramènent
sous sa queue. Notre hypothèse s'est avéré vrai alors que plus tard durant
notre sortie, nous avons vu un Goéland arctique
victime du même sort. Des boules d'argiles mouillées visibles aux
jumelles étaient collées aux pattes chez le goéland en vol.
La Mouette de Franklin immature
La mouette qui s'alimente avec les pattes pendantes
Goéland arctique immature avec des pattes pendantes
Finalement, la mouette s'éloigne de plus en plus avec ses épisodes de vol dans le but de s'alimenter. Elle est maintenant au beau milieu du champ et inaccessible pour une séance de photo supplémentaire. Sur de longs moments, elle ne fait rien de particulier. La mouette se repose et digère. Ayant faim nous aussi, nous nous rendons à notre restaurant préféré pour un dîner très tardif ou un souper hâtif, c'est selon. Nous nous souviendrons très longtemps de cette journée et de cette découverte très inattendue. Morale de l'histoire : aiguisez vos antennes et explorez votre environnement même quand tout semble perdu d'avance. On ne sait jamais. Sinon, prenez du temps afin d'admirer les espèces d'oiseaux mal-aimés qui, dans un avenir rapproché, pourrait disparaître plus rapidement qu'on ne le pense.
Très beau texte. Ce fut très agréable de te lire. J'ai aussi une affection pour les mal-aimés. Les mal-aimés sont souvent les plus intelligents, je pense. ;)
RépondreSupprimerChère Mylène, merci beaucoup d'aimer les mal-aimés. Dorénavant, je me sentirai moins seule...
SupprimerHum! C'est du bonbon de te lire...
RépondreSupprimerMerci infiniment de me lire! C'est tellement apprécié!
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