Par Claudette Cormier

lundi 18 septembre 2017

Une découverte importante

Bonjour à tous! Aujourd’hui, je vous amène dans le merveilleux monde ailé des insectes, plus spécifiquement dans le monde des micro-papillons. Vous vous souvenez sans doute que je suis également passionnée des papillons nocturnes. Lorsque j’ai demeuré à Saint-Fulgence, j’ai effectué cinq années de recensement de papillons nocturnes. Durant ces années d’inventaires, j’ai observé près de 700 espèces de papillons dans ma cour-arrière seulement! Ces inventaires inclus les macro-papillons et les micro-papillons.

Lorsque j’ai déménagé à Canton-Tremblay (ville Saguenay) en juin dernier, ma curiosité scientifique s’est émoussée. Il n’y a rien de plus excitant pour moi que d’inventorier des papillons, et des oiseaux aussi, dans un nouvel habitat. Il s’agissait en quelque sorte d’une page blanche d’un nouveau livre qui s’ouvrait devant moi.

Le 27 juin 2017, je suis sortie dehors pour aller photographier les insectes dans les fleurs de parterre entourant ma nouvelle demeure. J’avais très hâte de faire un safari photo qui me procure une belle détente tout en admirant les insectes qui se trouvent dans les belles fleurs. Soudain, dans une fleur d’Aegopodium podagraria, nommé communément l’Herbe-aux-goutteux dont plusieurs jardiniers ont horreur parce qu’envahissante, je détecte un très petit papillon qui m’est inconnu. Intriguée, je le prends en photo et poursuis tout bonnement mon safari autour de la maison.

En soirée, j’envoie une photo de ce micro-papillon à mon mentor (je dois garder son nom privé). Puis silence radio de sa part pour une journée ou deux, ce qui est inhabituel. Tout à coup, je reçois un courriel de cette personne qui est tout énervé me demandant de récolter ce micro-papillon au plus vite si je le revoyais. La raison est fort simple... Ce micro-papillon n’a pas été vu depuis 1930!! Le nom du micro-papillon est Anthophila plenicarinata Heppner. Il n’y a pas de nom français, seulement en latin. Désolée pour le grand nom. À la blague je dis que plus les micro-papillons sont petits, plus les noms sont longs!

Voici un très gros plan de l'Anthophila plenicarinata (C. Cormier)

De la part d’experts en la matière, on m’a informé qu’entre 1904 et 1930, moins d’une centaine de ces micros a été récoltée provenant des régions suivantes : Ottawa, Toronto, Hull, Aylmer, Montréal et Bradore Bay. Puis plus rien après 1930, jusqu’à cette découverte incroyable en 2017, chez moi à Canton-Tremblay. C’était la première photo prise d’un individu vivant. Bien entendu, la communauté scientifique entomologique fut secouée, tout comme moi.

Suite à cette découverte, mon mentor m’a supplié de surveiller les fleurs dans ma cour et de récolter des spécimens de ce micro si j’en voyais d’autres, ce que j’ai fait. Les jours suivants, j’ai observé d’autres individus que j’ai prélevés pour fins d’identification officielles. Au cours de l’été, j’ai envoyé ces spécimens aux Musées Nationaux à Ottawa où ceux-ci ont été formellement identifiés par l’expert-chef en entomologie. L’identification fut positive! Il s’agissait bien d’Anthophila plenicarinata Heppner!

Nous voyons deux individus qui s'alimentent sur cette Herbe-aux-goutteux (C. Cormier)

Tout le monde retenait son souffle en attendant le verdict final provenant de l'expert en question. Après cette identification officielle, je fus estomaquée de cette découverte! Pour tout dire, tout le monde était excité. Mon cher mentor m’a sommé de prendre beaucoup de photos, de prélever encore des spécimens et de noter le nombre d’individus et les dates correspondantes. Voilà ce qui a été mon projet d’été.

Pour vous résumer le tout, la première génération de ce micro s’est étendue du 27 juin au 4 juillet. Il y avait sans doute des individus présents sur place avant que je n’atterrisse à Canton-Tremblay. Vient ensuite la deuxième génération qui s’est échelonnée du 8 août au 16 septembre. Les individus de la deuxième génération ont adopté les fleurs de Tanaisie commune (Tanacetum vulgare), une plante d’automne très commune à fleurs jaune moutarde.

Un Anthophila plenicarinata sirotant du nectar dans les fleurs d'une Tanaisie (C. Cormier)

Voici un agrandissement du micro-papillon diurne (C. Cormier)

Plus tard au cours de l’été, certains spécimens récoltés ont pris le chemin vers BOLD. Il s’agit d’un centre où tous les papillons (et les autres insectes?) subissent une analyse d’ADN. Ils possèdent maintenant un code-barres génétique. Le centre a un million de code-barres en banque. Vue la rareté de mon micro, BOLD n’avait pas le code-barres d’Anthophila plenicarinata. Il en fait désormais parti.

Je me suis posée la question à savoir pourquoi ce micro-papillon n’avait pas été détecté auparavant. Les deux experts en papillons m’ont dit que presque personne ne s’intéresse à l’étude des papillons au Canada. Il semble qu’il y aurait moins de dix personnes qui se passionnent de papillons dans le pays. Ensuite, les adeptes récoltent principalement les macro-papillons nocturnes et moins les micro-papillons nocturnes. Ce dernier groupe est très difficile à identifier puisqu’il faut souvent les disséquer pour les différencier entre espèces qui se ressemblent. Cependant, ce micro-papillon qui nous concerne ici est diurne, une exception donc, et non nocturne comme la plupart de ses congénères. Il a donc passé sous le radar toutes ces années à cause de ces raisons.

Pour les personnes désireuses de trouver des Anthophila plenicarinata, vous devez savoir que la plante hôte des chenilles est l’Ortie (Urtica dioica). Les papillons adultes pondent leurs œufs sur l’Ortie où les larves bouffent les feuilles de cette plante urticante. Lorsque les cocons éclosent, les adultes, qui peuvent voler et se déplacer, s’alimentent ensuite sur des fleurs possédant une bonne densité de nectar tout près de leur plante hôte. Si vous avez chez vous les plantes que j’ai mentionné (Herbe-aux-goutteux et Tanaisie commune), les chances sont que vous n’observerez pas d’Anthophila s’il n’y a pas d’Orties dans le secteur. Cela est nécessaire puisque les larves ne consomment que des feuilles d’Orties, rien d’autre. La règle est simple : pas d'Orties, pas d'Anthophila.

Suite à ma migration vers Canton-Tremblay en début de période estivale, j’avais installé mon drap afin de les recenser les papillons (je les photographie, je ne les récolte pas). J’ai effectué environ cinq sorties dans ma cour. Comme il y a beaucoup plus de pollution lumineuse là où je demeure présentement, disons que mon drap était moins dodu en papillons qu’à Saint-Fulgence où c'était la nuit noire. Ici à Canton-Tremblay, il a plusieurs lampadaires et maisons dans le secteur qui émanent de la lumière artificielle ce qui dilue le nombre de papillons chez moi. Je n’ai pas poursuivi le recensement de papillons par la suite. Peut-être une autre année car j’en avais plein les bras à défaire mes boîtes et à faire un très grand nettoyage de la résidence. Mais quand même, le recensement des Anthophila a fait mon été! Ce fut mon cadeau de bienvenue!

Voilà donc ce que je souhaitais vous partager aujourd’hui. Je peux vous affirmer que monde ailé entomologique est aussi fascinant que le monde des oiseaux! Les papillons sont extrêmement beaux. D’ailleurs, les plus belles couleurs dorées, argentées et cuivrées que j’ai vus dans ma vie étaient sur des micro-papillons! L’émerveillement vous est assuré si vous faites une incursion dans ce monde fascinant!

mardi 5 septembre 2017

Les visites de stations d’épuration des eaux usées

Bonjour à tous… Pour commencer cet article, je vais vous ramener au début des années ’90. À l’époque, j’avais fait part à mon partenaire mon désir de faire un inventaire d’oiseaux dans la station d’épuration de Métabetchouan au Lac Saint-Jean. Je me souviens encore de l’expression faciale de Germain. Il ne comprenait pas pourquoi je m’intéressais soudainement à ces endroits puants et dont la superficie était très limitée pour observer les oiseaux. À cette époque, les ornithologues ne fréquentaient pas ces lieux.

Comme je suis un être qui adore faire des inventaires, mon but était de recenser les oiseaux qui s’y trouvaient. Un projet d’étude. Je n’avais aucune idée si les oiseaux nichaient ou non à l’intérieur de l’enclos. C’était la curiosité naturelle et scientifique qui m’interpellait. J’avais dit à Germain, et il s’en souvient encore de mes mots, « Tu vas voir… Un jour, ces données vont être importantes. »

Alors, nous avons timidement commencé à recenser les espèces aquatiques à la station d’épuration de Métabetchouan. Les premières visites n’ont pas servies de motivation puisque nous recensions que des Canards colverts. Cependant, j’ai insisté auprès de mon copain pour continuer la démarche. Lorsque au fil du temps nous avons réalisé que les bassins attiraient bon nombre d’espèces aquatiques, dont plusieurs espèces de canards, de limicoles et de passereaux, nous avons eu la piqûre. Depuis trente ans maintenant que nous parcourons les stations d’épuration des eaux usées de la région, surtout celles situées au Lac Saint-Jean Est. Mon projet de recherche avait pris de l’ampleur. Au fil du temps, Germain et moi avons recensé à nous seuls environ 77 espèces d’oiseaux ayant fréquenté l’intérieur de l’enclos de deux stations au Lac Saint-Jean Est. C’est considérable lorsque l’on pense à la petitesse des sites.

À mes débuts comme ornithologue, j’étais très impliquée dans la revue Le Harfang où j’ai beaucoup écrit. Pendant une quinzaine d’années, j’ai fait l’éloge des stations d’épuration et implorait les ornithologues de visiter ces sites tellement c’était intéressant. Mais niet! On a les boudé longuement. Alors pendant toutes ces années, Germain et moi étions presque seuls à recenser les oiseaux à ces endroits.

Puis ces dernières années, tout a drastiquement changé lors de l’arrivée de l’ère numérique. Les observateurs d’oiseaux preneurs de photos ainsi que les photographes s’intéressant aux oiseaux ont pris d’assaut les stations d’épuration à l’échelle du Québec. On veut tous les photographier.

Mon désir d’il y a trente ans où je sollicitais les ornithologues de visiter les stations s’est manifesté, mais pas de la façon que j’aurais souhaité au préalable. Dans le passé, j’étais loin de me douter du phénomène de la caméra numérique et de l’ornithologie d’aujourd’hui. Quand je vois les gens défiler le long des bassins des stations d’épuration à la queue-leu-leu et que la faune aquatique est constamment dérangée, rien ne va plus.

En fin de semaine dernière, nous nous sommes rendu mon copain et moi à l’une des stations d’épuration tôt le matin. Il y avait déjà des gens qui photographiaient les oiseaux. La majorité des canards avait déjà quitté les lieux. C’est là que j’ai reçu la réalité en pleine face, qu’il n’était plus possible de recenser les oiseaux sur une base régulière pour fins de recherche. Il y a trop d’achalandage de personnes et qui font fuir les oiseaux à répétitions. Je crains également que la nidification des oiseaux soit affectée à l’avenir dans les bassins. Sur ces sites, on passe avant nous et après nous. La ruée vers la photo d’oiseaux est devenue la principale activité maintenant. L’observation et l’identification des oiseaux passent au dernier rang. Et que dire de la recherche et l'étude scientifique pure?

En ce qui me concerne, je mets fin à mes visites aux stations d’épuration. Je ne veux plus être un facteur quant au dérangement des oiseaux à ces sites. C’était également mon dernier message traitant des stations d’épuration. Et bien entendu, cela met un point final sur ce long projet de recherche sur les stations d’épuration. Je me compte heureuse d’avoir pu étudier les oiseaux avant la cohue des ornithologues et des photographes. Les données prises sur le terrain à ces sites sont inestimables.

vendredi 1 septembre 2017

Ces charmants Grèbes à bec bigarrés

Chaque été au mois d’août, j’aime me rendre au marais de Canards Illimités à Saint-Fulgence pour observer la faune aquatique. Bien souvent, avant d’arriver sur les plateformes d’observation, nous entendons piailler les poussins de nombreux canards. Cependant, ce n’est rien de comparable aux cris des Grèbes à bec bigarrés juvéniles. De loin, nous entendons les nombreux grèbes juvéniles qui quémandent bruyamment leur pitance auprès des adultes en émettant des « psi psi psi psi psi psi psi psi… » répétés qui retentissent constamment dans le marais. Je pense aux grèbes adultes qui endurent les cris incessants de leurs jeunes lors des premières lueurs de l’aube jusqu’à la fin du crépuscule. Et ces cris s’accentuent lorsque vient le temps du sevrage des juvéniles. Ces derniers deviennent alors plus insistants pour se faire nourrir.

La vue panoramique sur le marais de Canards Illimités à Saint-Fulgence (C. Cormier)

Une cache pour observer et photographier les oiseaux aquatiques sur le marais (C. Cormier)

Grèbe juvénile quémandant sa nourriture auprès de l'adulte qui tente de le sevrer (C. Cormier)

 Grèbe adulte sevrant ce juvénile qui devient insistant pour se faire nourrir (écouter la bande sonore) (C. Cormier)

Les grèbes sont à mes yeux des oiseaux spéciaux. Ils sont si petits, trapus et ayant une drôle de silhouette, particulièrement la tête. On dirait que leur plumage est constamment mouillé, comme le poil d’un castor. Je m’émerveille aussi devant leur capacité de migrer de longues distances. Lorsque l'on regarde leurs petites ailes, on se demande comment ils font...

À la fin de l'été, le grèbe adulte perd la bande noire caractéristique sur son bec (C. Cormier)

On peut se demander comment il font pour migrer avec de si petites ailes (C. Cormier)

Ce juvénile perd ses motifs faciaux distinctifs à la fin de l'été (C. Cormier)

Ce juvénile est sevré et s'alimente par lui-même (C. Cormier)

Des premières plumes d'ailes pour ce juvénile! Remarquer à sa gauche le gros duvet d'un Cygne trompette. Rien de comparable avec le petit duvet de ce grèbe! (C. Cormier)