Par Claudette Cormier

lundi 8 août 2011

L’Érismature rousse : être ou ne plus être?

Aujourd’hui, la chronique traitera uniquement de l’Érismature rousse, des comportements observés au cours de la saison de nidification ainsi que de leur situation précaire au marais de Canards Illimités situé à Saint-Fulgence. Cette espèce demeure très rare dans la région et en fait la spécialité de ce marais. De plus, ce superbe canard nous fait l’honneur d’y nicher depuis quelques années. Il s’agit du seul endroit connu au Saguenay-Lac-Saint-Jean où cette espèce est trouvée nicheuse. Mais est-ce que l’érismature fera partie encore de notre avifaune dans les années à venir? Rien n’est sûr… Un événement imprévu et important s’est produit ce printemps et changera peut-être la donne.

Tout a débuté le 30 avril dernier alors que le mâle Érismature rousse est arrivé comme prévu au marais de Canards Illimités. Même que, il s’agit d’une date d’arrivée assez hâtive pour la présence de cette espèce sous nos latitudes. Jusque-là, pas de problème. Il est observé régulièrement jusqu’au 5 mai. En ce même jour du 5 mai, une femelle est également arrivée de migration. Quelques jours plus tard, une deuxième femelle est détectée dans le marais. Cependant, après le 5 mai, les observateurs ont fouillé le marais de fond en comble pour retrouver le mâle, mais rien! Le mâle reste introuvable. Il a subitement disparu et personne n’en connaît la cause. Et là, la question se pose. Admettons que le seul mâle nicheur de la région a disparu, est-ce que l’espèce survivra dans la région au cours des prochaines années?
 
Le mâle Érismature rousse photographié en 2008 par Germain Savard

Lorsque les ornithologues se rendent compte de la disparition du mâle, nous avons souhaité qu’il ait eu le temps de s’accoupler avec la première femelle arrivée sur les lieux. Pour en connaître la teneur et les aboutissants, nous n’avons pas le choix que d’attendre plus tard en saison pour connaître la réponse, à savoir s’il y aurait une nichée ou non pendant l’été. Par contre, le peu d’optimisme qu’il nous restait s’est envolé en fumée lorsque Germain et moi avons surpris les femelles en train de rivaliser l’une et l’autre lors de la journée du 15 mai. Ce jour-là, nous avons assisté à une sorte de parade nuptiale faite par l’une des femelles, ce geste normalement exécuté par le mâle. En effet, la femelle dominante, voyant l’autre femelle nageant plus loin dans le marais, s’est mise à hocher de la tête en relevant la queue, comme un mâle en pariade. C’est la première fois que nous assistons à ce comportement de la part d’une femelle. La prochaine vidéo démontre le comportement mentionné.
 


Érismature rousse femelle pompant de la tête
 
Ensuite, le temps s’écoule et l’été s’installe. En juin et juillet, les femelles sont devenues discrètes et toujours pas de mâle à l’horizon. Son sort est définitif : il est mort. Donc, aucune couvée d’érismature n’est prévue cet été. Cet état de fait est triste et inquiétant à la fois. Lorsque les femelles quitteront le marais cet automne, reviendront-elles avec un autre mâle le printemps prochain? Dans la négative, il se peut que l’espèce « s’éteigne » dans la région. Nous voilà devant la dure réalité.

Vers la fin juillet, un autre événement nous a grandement étonné Germain et moi. Il s’agit de l’une des femelles érismatures qui, sans toute vraisemblance, a adopté un caneton d’une autre espèce de canard nichant dans le marais! Comblant son instinct maternel, nous ne savons pas comment elle s’y est prise pour kidnapper un oisillon d’une autre couvée. Nous croyons que le caneton est un Fuligule à tête rouge. Ils ne se séparent jamais et la femelle protège jalousement « son rejeton ». Quant au caneton, il accepte d’emblée sa mère adoptive et n’en semble pas le moindrement perturbé, au contraire. Il a l’air paisible et en très bonne santé. Une autre question se pose ici. Puisqu’à leur naissance les oisillons sont imprégnés visuellement de leurs parents en début de vie, qu’adviendra-t-il de l’identité de cet oisillon? Au cours de l’hiver prochain, lorsque les couples se formeront, ce caneton devenu adulte se prendra-t-il pour une Érismature rousse ou pour un Fuligule à tête rouge? Espérons pour ce dernier que les gènes prendront la relève. Dans la prochaine vidéo, vous verrez la femelle érismature plonger pour s’alimenter. Son petit attend patiemment sa mère de remplacement en surface. En aucun temps nous n’avons vu la femelle nourrir l’oisillon. Quant au caneton, il plonge à l’occasion et s’alimente de lui-même, parfaitement autonome. Débrouillard comme tout celui-là!

 

Femelle érismature et le juvénile d’adoption
 
En résumant la saison de nidification de cette espèce, nous savons maintenant que le mâle est décédé une semaine environ après son arrivée, que les femelles n’ont pas été accouplées et qu’aucune nichée d’érismatures n’a été produite lors de l’été 2011. Nous devrons attendre au printemps 2012 pour constater les faits. Est-ce que l’Érismature rousse sera ou ne sera pas dans son site de nidification lors de la prochaine saison de nidification? Telle est la question…

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