Par Claudette Cormier

mardi 5 septembre 2017

Les visites de stations d’épuration des eaux usées

Bonjour à tous… Pour commencer cet article, je vais vous ramener au début des années ’90. À l’époque, j’avais fait part à mon partenaire mon désir de faire un inventaire d’oiseaux dans la station d’épuration de Métabetchouan au Lac Saint-Jean. Je me souviens encore de l’expression faciale de Germain. Il ne comprenait pas pourquoi je m’intéressais soudainement à ces endroits puants et dont la superficie était très limitée pour observer les oiseaux. À cette époque, les ornithologues ne fréquentaient pas ces lieux.

Comme je suis un être qui adore faire des inventaires, mon but était de recenser les oiseaux qui s’y trouvaient. Un projet d’étude. Je n’avais aucune idée si les oiseaux nichaient ou non à l’intérieur de l’enclos. C’était la curiosité naturelle et scientifique qui m’interpellait. J’avais dit à Germain, et il s’en souvient encore de mes mots, « Tu vas voir… Un jour, ces données vont être importantes. »

Alors, nous avons timidement commencé à recenser les espèces aquatiques à la station d’épuration de Métabetchouan. Les premières visites n’ont pas servies de motivation puisque nous recensions que des Canards colverts. Cependant, j’ai insisté auprès de mon copain pour continuer la démarche. Lorsque au fil du temps nous avons réalisé que les bassins attiraient bon nombre d’espèces aquatiques, dont plusieurs espèces de canards, de limicoles et de passereaux, nous avons eu la piqûre. Depuis trente ans maintenant que nous parcourons les stations d’épuration des eaux usées de la région, surtout celles situées au Lac Saint-Jean Est. Mon projet de recherche avait pris de l’ampleur. Au fil du temps, Germain et moi avons recensé à nous seuls environ 77 espèces d’oiseaux ayant fréquenté l’intérieur de l’enclos de deux stations au Lac Saint-Jean Est. C’est considérable lorsque l’on pense à la petitesse des sites.

À mes débuts comme ornithologue, j’étais très impliquée dans la revue Le Harfang où j’ai beaucoup écrit. Pendant une quinzaine d’années, j’ai fait l’éloge des stations d’épuration et implorait les ornithologues de visiter ces sites tellement c’était intéressant. Mais niet! On a les boudé longuement. Alors pendant toutes ces années, Germain et moi étions presque seuls à recenser les oiseaux à ces endroits.

Puis ces dernières années, tout a drastiquement changé lors de l’arrivée de l’ère numérique. Les observateurs d’oiseaux preneurs de photos ainsi que les photographes s’intéressant aux oiseaux ont pris d’assaut les stations d’épuration à l’échelle du Québec. On veut tous les photographier.

Mon désir d’il y a trente ans où je sollicitais les ornithologues de visiter les stations s’est manifesté, mais pas de la façon que j’aurais souhaité au préalable. Dans le passé, j’étais loin de me douter du phénomène de la caméra numérique et de l’ornithologie d’aujourd’hui. Quand je vois les gens défiler le long des bassins des stations d’épuration à la queue-leu-leu et que la faune aquatique est constamment dérangée, rien ne va plus.

En fin de semaine dernière, nous nous sommes rendu mon copain et moi à l’une des stations d’épuration tôt le matin. Il y avait déjà des gens qui photographiaient les oiseaux. La majorité des canards avait déjà quitté les lieux. C’est là que j’ai reçu la réalité en pleine face, qu’il n’était plus possible de recenser les oiseaux sur une base régulière pour fins de recherche. Il y a trop d’achalandage de personnes et qui font fuir les oiseaux à répétitions. Je crains également que la nidification des oiseaux soit affectée à l’avenir dans les bassins. Sur ces sites, on passe avant nous et après nous. La ruée vers la photo d’oiseaux est devenue la principale activité maintenant. L’observation et l’identification des oiseaux passent au dernier rang. Et que dire de la recherche et l'étude scientifique pure?

En ce qui me concerne, je mets fin à mes visites aux stations d’épuration. Je ne veux plus être un facteur quant au dérangement des oiseaux à ces sites. C’était également mon dernier message traitant des stations d’épuration. Et bien entendu, cela met un point final sur ce long projet de recherche sur les stations d’épuration. Je me compte heureuse d’avoir pu étudier les oiseaux avant la cohue des ornithologues et des photographes. Les données prises sur le terrain à ces sites sont inestimables.

6 commentaires:

  1. Un bon article, en anglais toutefois, sur le sujet. Entre autres, le célèbre Pete Dunne y fait part de son... désarroi !
    https://cityroom.blogs.nytimes.com/2014/05/10/its-gadgets-vs-eyeballs-as-two-species-of-bird-watchers-clash/

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    1. Salut bien, cher Yves! Merveilleux article que tu viens de me proposer là! Bien sûr, on connaît à peu près tous l'expert renommé Pete Dunne. Par contre, je ne connaissait pas son désarroi face au phénomène qui sévit aujourd'hui dans le monde ornithologique. Tout comme lui, je suis découragée. Il avait bâti beaucoup pour les ornithologues et là, tout est gâché. Il n'y a plus de considération pour la faune aviaire. Il n'y a plus d'identification sérieuse. Pas d'étude approfondie d'oiseaux non plus. Ce qu'il doit être malheureux car cet homme est conscient de son environnement et des impactes que la race humaine a sur ce premier. Lui aussi la compétition lui pu au nez. Cette compétition a dépassé les bornes du bon sens et fait des ravages chez les oiseaux et les habitats variés. Dans quel pétrin nous sommes! Merci, Yves pour cet excellent article et qui résonne parfaitement avec moi. Bonne journée! Claudette

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  2. Cela rejoint ton article sur ta vision élargie de l'ornithologie! ;-)

    C'est complètement nul et stupide cet esprit de compétition et moi aussi cela me pue carrément au nez! Vraiment!!

    Écraser ou rabaisser les autres ou les moins expérimentés pour mieux se remonter dans son estime, pas capable!
    ''T'as plus 300 espèces de cochées? Grand bien te fasse!'' Moi j'en ai seulement 100 pis c'est pas la fin du monde. Je prends mon temps, rien ne presse!! Je ne les compte et je ne les coche même plus! Je les observe par plaisir tout simplement lors du peu de temps libre que j'ai ces mois-ci.

    Surtout pour un loisir tel l'ornithologie et j'ajouterais même la photographie. Cela devrait être un loisir où l'on partage nos connaissances et nos observations. Et surtout, dans le respect de l'environnement et de la faune ailée et tout le reste! On observe l'oiseau, mais on ne le dérange pas.
    J'en aurais long à dire sur le sujet, mais je vais m'en tenir à cela.

    Bonne fin de soirée ma chère Claudette! XXX
    Jessie Chiricota

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  3. Bonjour chère Jessica... Merci pour ton témoignage qui est sorti tout droit de ton coeur. Je reconnais en toi la passionnée qui aime férocement la nature. Nous voyons du même oeil certains comportements d'humains qui sont irritants pour plusieurs personnes car nous ne sommes pas les seules toi et moi. Beaucoup d'autres personnes observent le même phénomène. Je trouve dommage que la faune et la flore écopent à cause du côté maladroit des êtres humains et de leur manque de compassion envers les oiseaux et les autres organismes vivant. La conscience doit s'élargir et rapidement. Je te souhaite une magnifique semaine et à la prochaine! Claudette xxx

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  4. Bonsoir chère Claudette,

    C'est toujours un plaisir de te lire et de converser avec toi, et je suis très heureuse de trouver en toi une personne qui me ressemble!

    Oui, je dis toujours ce que je pense du plus profond de mon coeur. Je suis une émotive, une sensible et je m'assume! ;-)
    Je n'ai pas l'habitude de ne pas être honnête envers moi-même ni envers les autres.

    Avec les cours que je suis actuellement, je deviens chaque jour encore plus sensibilisée que je l'étais déjà, à la protection de notre nature sous tous ses angles et j'essaie d'entamer du mieux que je peux, des moyens pour aider à la protéger.
    D'une manière ou d'une autre, l'Horticulture, ça touche vraiment beaucoup de domaines, dont la protection de l'environnement, de la nature, de la faune, de la flore, etc... alors il serait difficile de ne pas en faire part dans nos cours!

    Et ça passe par le respect des êtres vivants ainsi que leur milieu naturel. Je souhaite que tout photographe ou naturaliste en fasse autant.

    C'est correct de s'intéresser à eux, de vouloir apprendre à les connaître, les identifier et de vouloir les photographier, mais à condition que cela se fasse dans le plus grand respect et sans les déranger ou perturber.

    C'est un sujet qui est vraiment intéressant, voire très important et je ne le cacherai pas, ça me touche vraiment beaucoup! Heureusement que tu es là pour en parler! ;-)
    Belle fin de semaine à toi!!
    Jessie XXX

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  5. Bon lundi chère Jessie... Le très beau témoignage que tu as livré est très touchant. Les mots que tu as choisi sont les miens. Ton message résume parfaitement ma pensée. Pour moi, il est important d'avoir des pensées et des actions pour aimer et protéger d'avantage Gaïa, notre magnifique Mère-Terre.

    Si chacun pouvait avoir des pensées de gratitude envers celle qui nous a créée, qui nous porte, qui nous donne à manger et à boire, la planète en serait transformée. Je prône continuellement l'ouverture de conscience car c'est cette ouverture qui va nous propulser vers un plus grand respect de la Nature. Je pourrais écrire longuement sur ce sujet, mais je vais m'arrêter ici.

    Je te souhaite une merveilleuse semaine belle âme. Saches que la planète a besoin d'êtres sensibles comme toi. Il n'y a pas de hasard si tu es née à cette époque! xxx

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