Par Claudette Cormier

lundi 14 avril 2014

Sortir ou ne pas sortir? Voilà la question!

Sur les cartes radar d'Environnement Canada, un cocktail météo pas très intéressant traverse présentement la réserve faunique des Laurentides et remonte direction du Nord. Ce système de pluie ou de neige se dirige tout droit vers la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Dans quelques heures, nous serons engloutis par les précipitations. Du moins, c'est ce que j'anticipe dans mon esprit. Finalement, la décision est prise. Nous resterons à la maison. Nous sommes le 13 avril 2014. Avec un chiffre 13 qui hante notre inconscient collectif, ne tentons pas le diable inutilement...

Aux mangeoires, les oiseaux sont complètement fous! Avec leur propre radar interne, ils ressentent que le mauvais temps s'en vient. Encore aujourd'hui, nous avons beaucoup de Tarins des pins, soit environ 150 individus. Comment vous exprimer ce que nous entendons lorsque nous ouvrons la porte d'entrée, tellement il y a de tarins qui chantent et qui ziouitent en même temps! Nous recevons une immense rafale de notes aux oreilles qui cessent abruptement lorsque nous fermons la porte! C'est vraiment comique!

Ces jours-ci, les Roselins pourprés ont augmenté en nombre au poste d'alimentation, avec un minimum de 50 oiseaux. Les mâles sont vraiment magnifiques avec leur plumage rose rouge. Et leur chant alors! Quelle mélodie enchanteresse! Ils sont tout aussi affamés que les tarins et se ruent aux mangeoires. Dites, vous vous souvenez de mes bancs de neige? Ils commencent à se compacter et à fondre très tranquillement. Dans la prochaine vidéo, vous constaterez que les bancs de neige dans ma cour sont noirs. En fait, ils sont noirs de graines de tournesol. L'autre jour, Germain a pelleté le tapis de graines qui gisait sous les mangeoires qui s'est accumulé au cour de l'hiver et a jeté le fond de graines sur les congères. Les oiseaux sont content de ce supplément!


 Les Roselins pourprés dans les graines de tournesol


Les magnifiques Roselins pourprés mâles


Notre couple de Tourterelles tristes nicheuses

Au cours de l'après-midi, nous attendons toujours ce fameux système météo, nous confirmant que nous avons certainement fait le bon choix, soit celui d'être restés à la maison. Mais, il tarde... et tarde... Finalement, il arrive au milieu de l'après-midi. Ah, bon! Voilà la neige! Pfff! Quoi? Seulement ça? Seulement un p'tit floconnage de rien du tout? Voyant que la visibilité est très acceptable pour l'observation à distance, plus les minutes passent, plus ma concentration s'amenuise. Je tourne en rond dans la maison, me promenant de fenêtre en fenêtre. N'en pouvant plus, je propose à Germain que l'on se rendent sur le Sentier des Battures près de l'Anse-aux-Foins. Mon instinct me dit d'y aller. Alors, on y va!

Vers 15H, nous voilà rendus sur le stationnement du Sentier des Battures. Du coup, en sortant du véhicule, nous sentons sur nos corps les forts vents d'est qui sont très froids. En plus, la forte teneur en humidité nous gèle déjà sur place! Bordel de bordel... Va-t-on en finir un jour avec ce satané hiver? Encore vêtus de nos vestes d'hiver, de tuques, foulards et mitaines, nous empruntons le trottoir qui nous mène à l'Anse-aux-Foins. Au-dessus des montagnes qui surplombent le village de Saint-Fulgence planent deux Urubus à tête rouge détectables contre les nuages gris. Ouais... Je sais pourquoi leurs têtes sont rouges maintenant... Il fait tellement froid! Comment font-il les pauvres pour conserver leur chaleur puisqu'ils n'arborent aucune plume sur leurs têtes? Nous, on peut se vêtir, mais pas eux. Il fait 0 degrés Celsius avec un sérieux facteur éolien tout de même.

Le Sentier des Battures à peine dégelé


Le marais à scirpe toujours sous la neige et le cap des Roches derrière

Marchant sur le trottoir désert de monde, le vent siffle durement dans nos oreilles. Quelques caquètements proviennent de braves Bernaches du Canada fraîchement arrivées du Sud et qui se font entendre par intermittence au travers des rafales de vents. Non loin de la plate-forme d'observation, je détecte un groupe de goélands qui sont couchés sur un bloc de glace à l'entrée de l'anse. Ne voulant pas les effaroucher, nous les observerons d'où nous sommes. Germain installe le télescope pendant que je les regarde aux jumelles. Ah? Deux goélands foncés dans le groupe... Le premier me semble petit et le deuxième est de taille normale. Du Goéland marin... Pour le plus petit, je me dis que c'est probablement une femelle Goéland marin, m'étant déjà fait avoir dans le passé à quelques reprises, en pensant à une autre espèce. Soudain, le visage de Germain s'illumine. Tout souriant, il m'invite à regarder dans le télescope sans me dire de quoi il s'agit. Du haut de mes orteils, je jette un oeil dans l'oculaire du télescope. Il y a un moment de silence dans ma tête pendant que le vent hurle autour. Arborant un sourire à mon tour, je m'exclame : « Hé! C'est un Goéland brun! » Cette fois, c'est mon hyper-vigilance qui m'a joué un tour! C'était vraiment ça, cette fois! Heureux comme des papes, nous nous dirigeons doucement vers la plate-forme d'observation afin de nous approcher du groupe de goélands qui nous a à l'oeil.

La plate-forme d'observation au loin


L'Anse-aux-Foins à peine dégelé

Sur notre promontoire en bois, nous limitons nos mouvements car certain goélands sont débout sur leur bloc de glace et nous examinent avec suspicion. Finalement, après quelques minutes, ils se calment et se remettent en mode repos. Ils n'ont pas vraiment le choix puisque la marée est haute et n'ont pas accès aux battures afin de s'alimenter. En identifiant chaque goéland, nous sommes réjouis d'observer six espèces de laridés qui sont devant nous : Goéland à bec cerclé, Goéland argenté, Goéland arctique, Goéland bourgmestre, Goéland marin et le Goéland brun! Quant à ce dernier, nous nous délectons visuellement de cette espèce qui est toujours rare dans la région. Nous trouvons très beau cet adulte avec son plumage charbonné presque noir et ses pattes jaunes. Pendant une demi heure, nous l'observons sous toutes ses coutures. Ce n'est vraiment pas facile, car en effectuant de l'observation sur place, nous grelotons de froid. Et ce vent impitoyable qui nous transperce! Ouf! Et je n'exagère même pas! Je vous présente deux vidéos du Goéland brun et de son interaction avec les autres laridés :

 Le Goéland brun avec des Goélands arctiques


Le Goéland brun agité

Assise sur le banc, j'observe l'oiseau au télescope. Ça brasse sous mon fessier d'une façon constante. Pensant d'abord que c'était le vent qui brassait la structure en bois, je me lève subitement la tête pour regarder Germain. Ne se contrôlant plus, il grelotte à mes côtés! C'est lui qui fait bouger le banc! Rendu là, je crois qu'il vaut mieux rentrer à la maison. Moi aussi je suis sur le point de perdre contrôle de ma chaleur corporelle, du moins de ce qui en reste. Nous quittons alors le site et le fameux goéland. Au bout du compte, la journée fut tranchée en deux. Le matin ce fut les mangeoires et la fin d'après-midi, ce fut le terrain. Nous rentrons donc à la maison, satisfaits de notre excursion, où un souper chaud nous réchauffera. Mon esprit en maintenant en paix.

Germain avec son visage rougi par le froid

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